"Nous serons des mendiants sur notre propre terre, qui ne sera plus la nôtre car nous aurons été contraints de la vendre à vil prix à des étrangers une fois dans l'UE", s'inquiète Béla Nove, 49 ans. Ce responsable du cimetière de Toszeg vit dans un village de 3.000 habitants où circulent encore des chariots tirés par des chevaux de labour, à l'instar de tout le département de Jàsz-Nagykun-Szolnok qui, situé au centre de la Grande plaine hongroise, est à l'avant-dernière place des 20 départements de Hongrie pour la moyenne des salaires. Dans un village proche, à Tiszakécske (3.000 habitants), l'agriculteur Ferenc Juhasz, 56 ans, estime que "les petits agriculteurs qui n'ont pas de tracteurs ne pourront jamais être compétitifs par rapport à ceux de l'UE". A Rakocifalva (6.500 habitants) et à Tiszajenoe (2.000 habitants), les agriculteurs, propriétaires d'un à trois hectares de terre, les commerçants et les ouvriers faisant la navette vers la ville proche de Szolnok, agglomération industrielle de 78.000 habitants, s'inquiètent aussi d'une dépendance excessive vis-à-vis de Bruxelles. L'UE, croient-ils, leur ferait changer leurs habitudes devenues chères et entraînerait, outre une baisse de leur niveau de vie, la perte de leur identité magyare. Fueloep Neményi, 25 ans et boulanger à Szolnok, s'inquiète pour la petite ferme d'un demi hectare de ses parents. "Nous n'aurons plus le droit d'élever les porcs dans notre jardin car l'UE a des idées bizarres sur la protection des animaux", affirme-t-il. "Pourtant pour les porcs, c'est bien de vivre près des hommes", estime-t-il. Brigitta Dozsa, écolière de 17 ans à Rakocifalva, craint de ne pouvoir "plus manger de gâteaux au pavot, car l'UE interdit la culture de cette plante". "Le monde qui nous attend n'est pas un beau monde. Bruxelles va nous duper d'autant plus facilement qu'on ne connaît pas notre langue là-bas et que nous ne parlons pas l'anglais", s'exclame, amer, Jozsef Nagy, un laveur de voitures de 56 ans du même village. "Ils vont construire des chemins de fer vers les Balkans et la Russie car les dirigeants de l'UE veulent étendre leur pouvoir sur cette région et nous devrons fournir à l'UE à bon marché nos produits bruts pour leur acheter cher des produits finis", conclut-il. "Ils promettent beaucoup, mais ne donneront rien", résume Gyula Kallai, 43 ans, musicien Rom de Toszeg, alors que Marianne Nemes, une mère de trois enfants, espère que "les prochaines générations profiteront de l'UE". Joska Nagy, 34 ans, ouvrier dans une entreprise de construction à Toszeg, regrette la période communiste en Hongrie (1948-1990). "Avec l'UE, nous serons aussi pauvres que maintenant, le gouvernement hongrois est corrompu et nous exploite et l'UE ne pourra pas l'en empêcher". Géza Polgar, aviculteur de 38 ans à Tiszajenoe, dans une région réputée pour son foie gras, prévoit que "les Français, grands producteurs de cette denrée, empêcheront notre arrivée sur le marché". "Beaucoup d'entre nous seront ruinés, car l'UE interdit le gavage des oies", craint-il. Son collègue de Tiszakécske, Janos Németh, 55 ans, est parmi les rares optimistes de la région. "Le marché sera ouvert pour nous, nous vendrons beaucoup plus de foie gras vers la France et nous obtiendrons 4.700 forint (20 euros) le kg au lieu des 3.500 forint (15 euros) actuellement". Il pronostique que "l'UE sauvera les aviculteurs hongrois de leur mauvais sort économique". |